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Le front des DRH en Afrique dans la lutte contre le Covid-19

DRH, téléchargez le guide des bonnes pratiques COVID-19 en entreprise

L’étau des injonctions contradictoires et de la double contrainte

Covi est technicien dans une société de télécom ouest africaine, filiale d’un grand groupe.

Avec cette crise sanitaire, son employeur a aligné par le haut les mesures de prévention sur celles du groupe, tout récemment mises en place au siège en Europe, où la pandémie a quelques semaines d’avance. Covi est sensibilisé sur son lieu de travail, bombardé de messages, et lit toute sortes de panneaux partout sur son lieu de travail. Il subit une prise de température en entrant et en sortant de l’entreprise ; il doit observer une distance permanente de 1m50 avec ses collègues, et se laver les mains 2 fois au moins lorsqu’il se rend au bureau, désormais un jour sur deux et en demi-journée. 

A 12h30, Covi rentre chez lui en taxi-moto.

Il est sur ces pensées quand pousse le portail de la concession où se trouve l’« entré-couché » (2) de 30m2 où il vit avec son épouse, ses 3 enfants, et sa belle-mère malade, à la périphérie de la ville. Il partage une cour commune avec 5 autres familles. 

C’est jour de marché. A l’heure qu’il est, Awa, son épouse, ne tardera pas à rentrer du marché où elle aura passé 2 bonnes heures à discuter avec des tas de commerçants, à toucher leurs produits pour s’assurer de leur qualité, à serrer des mains. Covi est fatigué d’avance à l’idée de lui répéter qu’il faut éviter tout ça. Et dire qu’il ils doivent ce soir aller rendre hommage, dans une maison mortuaire, à une « famille parente et alliée »… ! Il n’y coupera pas, mais il se rassure en se disant qu’ils seront de retour avant le début du couvre-feu qui vient d’être imposé.

S’il s’en tient à ce qu’on lui sérine à longueur de journée « au service », il est évident que ce corps à corps qu’il vient d’avoir avec ce taxi-moto n’est pas recommandable. D’autant que ledit taxi-moto lui a littéralement parlé dans le nez, 20mn durant ; et qu’il aura sans doute déplacé une dizaine de personnes durant cette matinée sans prendre la plus élémentaire des précautions. On lui dit au travail que cette histoire de « Corona » n’est vraiment pas à prendre à la légère, mais il voit bien que son pays n’a pas pris des mesures de confinement stricte que la télévision décrit en France et en Italie, où ses cousins vivent. Il est perdu. Il ne sait plus exactement ce qu’il doit faire.
Injonction contradictoire…

Qu’est-ce qu’il aimerait être dans la tête du Président de la République !

A quelques dizaines de km de là, le Président de la République sort préoccupé et passablement agacé de la réunion de crise, au cours de laquelle les experts l’ont pressé d’accélérer l’adoption de mesures de confinement total. Ces experts ne comprennent décidément rien à la situation et aux conditions de notre pays ! Peste-t’il. Ne voient-ils donc pas que je suis assis entre deux chaises brulantes ? 

Si je confine complètement la population, ils ne sont pas, eux, de ces 80% de la population que nous affamerions à coup sûr. Cette population vivant du travail informel, souvent au jour le jour, et qui doit quotidiennement sortir chercher de quoi payer sa pitance du lendemain, elle ne tardera pas à descendre dans la rue ! C’est vraiment la dernière des choses dont on aurait besoin actuellement. 
Mais si la pandémie se répand selon les mêmes courbes qu’en Europe, nos systèmes de santé déjà insuffisants ne pourront pas grand-chose, de dit-il. Il se repassait les chiffres de ses experts en boucle : 7 à 9% de cas déclarés qui seront des cas graves nécessitant des infrastructures sanitaires pour la prise en charge pendant au moins 2 semaines des détresses respiratoires ?  C’est potentiellement à des dizaines de milliers morts qu’il faut se préparer ! Peut-être que la structure de la population de notre pays très jeune atténuera t’il l’hécatombe annoncée ? Peut-être que des mesures additionnelles comme les confinements partiels par cluster régionaux permettront-ils de limiter les dégâts en attendant des résultats cliniques plus probants sur les 2 pistes de traitement actuellement identifiées ?

Peut-être. Peut-être pas…D’autant qu’il semble que la proportion des moins de 60 ans gravement touchés par le virus ait augmenté depuis l’apparition en Chine, et qu’à l’échelle régionale africaine, les mouvements de populations sont bien plus élevés qu’en Europe…
Comme ses pairs africains, il sent arriver un vent mauvais, et ne cesse de ressasser cette question : que faire ?
Double contrainte.

Une double contrainte est une situation dans laquelle une personne est soumise à 2 pressions contradictoires ou incompatibles. La forme la plus connue de double contrainte est l’injonction contradictoire, qui en psychologie est apparentée à un « commandement qui se contredit ». Les injonctions contradictoires, dites aussi paradoxales, sont celles auxquelles où on ne peut obéir sans désobéir. De là vient le terme « double contrainte » ou « double nœud », théorisé par Gregory Bateson. Il met l’individu devant la certitude d’être perdant, quel que soit le choix pour lequel il opte. Qu’il réagisse avec une réponse partielle à chacune des 2 injonctions ; ou qu’il se réfugie dans une forme de tétanie en ne répondant à aucune des contraintes…
Typiquement, les mesures de mise en place de confinement ET de poursuite de l’activité économique sont de l’ordre des doubles injonctions contradictoires; complexes au mieux dans leur mise en oeuvre, incompréhensibles au pire… 

La responsabilité, antidote à l’injonction paradoxale

La quasi-totalité des 11 DRH et Directeur Juridique et Secrétaire Général de groupes régionaux et filiales de multinationales en Afrique subsahariennes questionnés en amont de la rédaction de cet article (1) louent la rapidité, la vigueur et la pertinence des ajustements de la majorité des gouvernements des pays d’Afrique subsaharienne où ils travaillent. Tous disent que la communication et l’information des gouvernements est bonne. Les points quotidiens pour informer de la situation, sont la norme désormais. Il faut le reconnaitre. Ceux d’entre eux qui étaient impliqués depuis des semaines avec les équipes de leurs sièges européens, moyen-orientaux ou asiatiques où l’épidémie avait « muri », constatent toutefois que cette adaptation est très récente. On disposait d’une avance sur laquelle on n’a pas suffisamment capitalisé.

En réalité, il était difficile de ne pas réagir : les projections de l’OMS avaient depuis un moment déjà indiqué que l’épicentre de la pandémie glisserait rapidement et massivement vers l’Afrique. Après quelques tergiversations, à l’exception notable du Maroc qui a pris des mesures très tôt, les gouvernements perçoivent la gravité de la situation et semblent en ordre de bataille.

C’est ici qu’un second pourcentage est parlant : un peu moins de la moitié de ces personnes questionnées estiment que la situation va se dégrader rapidement, et que si la réaction des gouvernements a été vigoureuse (information, déblocages budgétaires…), les décisions et mesures prises manquent d’un relai opérationnel : association élargie des leaders d’opinions, des ONG et « empowerment » des gouvernements locaux dans la mise en œuvre d’un contrôle de toutes ces constantes sociales qui font partie de nos us et coutumes et qui pourraient être des vecteurs d’explosion de la contagion. Je parle, par exemple, d’une sévérité exemplaire requise contre tel ou tel officiel ou membre de gouvernement, qui, atteint par le Corona virus, est photographié recevant une cour nombreuse venue le « visiter ».
Ce manque de relai opérationnel concerne touche aussi les entreprises. 

Un de mes interlocuteurs a indiqué (c’était le seul, mais je reprends cette idée à mon compte, car je la partage) qu’il pensait que les gouvernements s’étaient couverts, mais n’avaient pas assumé complétement leur responsabilité.

De poursuivre : « La responsabilité c’est aussi la capacité à donner une réponse ; ou à rendre les gens capables de donner une réponse pertinente. Je veux dire que quand on est un leader, être responsable, c’est s’assurer que ce que l’on demande est possible et raisonnablement faisable. Si ce n’est pas le cas, il faut chercher une autre façon de faire, plus efficace et moins dangereuse. Idem, quand on reçoit des ordres, être responsable, c’est s’assurer que l’on est capable de faire ce qui est demandé.  Le comment et les moyens sont au moins aussi importants que les orientations. »

Le point n’est pas de demander de se positionner définitivement et publiquement pour l’une ou l’autre option. La narration introductive montre bien le dilemme dans lequel le leader en Afrique se trouve. Là, encore plus qu’ailleurs, point de solution simple !

Mais, pour ne considérer que l’aspect des mesures de prévention et des documents cadres que la plupart des gouvernements ont produit en direction des entreprises, spécifiquement des Petites et Moyennes Entreprises formelles, fragiles poumons économiques de nos pays, la responsabilité complète eut été, par exemple, de mettre en place des cellules opérationnelles permanentes qui appuient ces PME démunies et esseulées. Elles vivent, pour la très grande majorité, une dramatique réalité, dans la modalité de mise en œuvre de ces orientations « macros ». 

Plusieurs DRH m’indiquaient que les gouvernements n’ont pas imposé de mesures particulières et spécifiques aux employeurs (étant entendu que l’injonction de rester chez soi autant que faire se peut est applicable à tous). Chaque entreprise met en place sa réponse à la situation actuelle, dans un contexte d’état d’urgence avec couvre-feu dans plusieurs des pays qu’ils couvrent.

La responsabilité est donc un bâton-relai à double prise comme me disait cet autre DRH. Si les autorités et les gouvernements font ce qu’ils peuvent, ce que ces interviews et questionnaires administrés m’ont montré, c’est que les individus se sont révélés d’extraordinaires relais de solidarités dans le monde des entreprises. Heureusement !

Covid-19 et solidarités HR 

En prenant le parti de ne questionner que des DRH et cadres supérieurs ayant un positionnement régional au sein de multinationales ou de grands groupes, je me disais que ce serait le meilleur moyen d’avoir une vue de plus haut, puisque leurs responsabilités couvrent de 3 à 15 pays, où se trouvent les filiales constituant le périmètre de leurs fonctions. 

 Mesures internes les plus fréquemment citéesNombre
1Campagne interne de sensibilisation intensive (mailing, audio-visuel, sensibilisation…)11/12
2Annulation ou report des réunions physiques et/ou déplacement non essentiels et distanciation sur le lieu de travail10/12
3Approvisionnement journalier sur le lieu de travail en savon liquide ou gel hydroalcoolique à l’ensemble du personnel9/12
4Prise de température systématiques à l’entrée des locaux (employés et prestataires)5/12
5Télétravail partiel 4/12
6Télétravail total ou quasi-total 1/12
   
 Mesures d’accompagnement les plus fréquemment citéesNombre
1Paiement anticipé des salaires (anticipation des besoins du personnel de faire des provisions alimentaires, notamment)9/12
2Mise a dispositions de moyens de connexion internet à domicile pour les positions stratégiques de l’entreprise 7/12
3Augmentation des forfaits mensuels de téléphonie mobile et Data pour l’ensemble du personnel4/12
4Don de produit d’hygiène (en savon liquide ou gel hydro-alcoolique) aux employés, à titre individuel/domicile3/12
5Mise à disposition d’un forfait (monétaire) prévention pour certaines catégories d’employés1/12
Nombres d’entreprises et application des mesures les plus fréquemment citées 

Constatant que ces entreprises avaient rapidement et efficacement mis en place des mesures inspirées de leurs procédures groupe, mon intérêt s’est assez spontanément reporté sur le désarroi dans lequel se trouvaient la très grande majorité de leurs collègues travaillant au sein d’entreprises locales et de PME. Presque tous m’ont témoigné de la touchante solidarité qui s’est tissée très rapidement pour venir en aide aux collègues.

Je veux citer cette DRH d’une société dans le secteur de l’énergie au Ghana, qui, débordée par son travail et par les demandes de ses collègues RH locaux d’autres entreprises, à pris l’initiative sur son temps personnel, de lancer un groupe whatsapp dans lequel elle met à disposition de l’information et de la documentation, mais qu’elle ponctue de « conf’call » régulières pour répondre aux questions spécifiques liées aux outils et informations disponibles. Le conseil qu’elle donne le plus fréquemment est d’anticiper dès maintenant ce qu’il risque de se passer quand le pays passera dans le dur de la pandémie, et qu’ils seront nécessairement mis dans l’obligation de ne plus se déplacer : travailler avec leurs directions générales DES MAINTENANT à identifier les activités prioritaires, et mettre sur pieds des dispositifs pour y allouer les ressources et faire tourner  à minima l’entreprise sur l’essentiel, notamment dans les sociétés de services qui seront les plus touchées. Une sorte de Business Continuity Plan à minima.
Elle a aussi mentionné, ainsi que plusieurs autres, cet outil de conférence audiovisuelle, Zoom, qui fonctionne très bien en version de base gratuite, et consomme peu de bande passante. Je ne le connaissais pas. Je l’ai essayé à cette occasion. Validé !

Les DRH que j’ai interviewés au Sénégal m’ont parlé, eux, du réseau « Hacking HR », qui avait pris plusieurs initiatives et été une main secourable à nombre de DRH locaux perdus dans cette crise.
Hacking HR a pour mission de repositionner les RH comme fonction stratégique dans les organisations et créer des synergies en profitant de la transformation technologique et digitale, des opportunités de dématérialisation et de repositionnement vers les soft skills, pour remettre au centre l’humain. C’est un réseau valorisant l’apprentissage gratuit, et disposant pour ce faire de beaucoup de ressources en ligne. Il est ouvert à toute personne partageant cette perception du rôle central d’une fonction HR repositionnée.
https://hackinghr.io/

Rokhaya Ndiaye qui en a ouvert le « Chapitre Dakar », doit ouvrir bientôt le Chapitre de 2 autres villes ouest africaines, dont celui d’Abidjan.
Présent dans 85 villes, l’objectif de Hacking HR pour l’année 2020 est d’être présent dans toutes les grandes villes du monde.  Parmi les modes d’action du réseau Hacking HR, les webinars. 

Constatant le désarroi de très nombreux CEO et managers des ressources humaines au Sénégal, sursollicitée au sujet de la gestion de la crise du Covid-19 en entreprise, elle a organisé un webinar intitulé « Contribution du réseau Hacking HR, Dakar Chapter, à la crise du Covid-19 ».
Résultat : plus de 100 participations sur 2 jours et des ressources qui se sont spontanément positionnées comme guest-speakers : DRH, médecins, top leaders, coachs, psychologues, inspecteurs du travail… 

Les replays de ces 2 sessions du 23 et 24 mars 2020 sont disponibles via les liens plus bas.
Des spécialistes répondent de façon spécifique à énormément de questions pratiques de managers de ressources humaines. Beaucoup des interventions et conseils sont exploitables dans d’autres pays de la région. Je vous invite à les visionner et à vous inscrire.

23 Mars 2020
https://zoom.us/rec/play/tJMtdL36-j83G9TA5QSDUKQqW9XrLaKsg3Md_6ALyx7nVXNQZwX3buFGNuCcydQaByjyPp4zbr6wJsRk?

24 Mars 2020
https://zoom.us/rec/play/7JN5Iu2grz83GtXEtQSDUacvW9W7f_msh3VLq_RZzBywB3MEM1OvZucWZuSWaUTdWwmaqvXfWYVhXkTk?

La demande est telle que le Chapitre Sénégal de Hacking HR envisage un autre webinar avec un plan d’activité pour le mois d’avril, afin aider plus spécifiquement cette fois les chefs d’entreprise dans la gestion de cette crise.

Les recommandations qu’elle fait aux dizaines de HR à qui elle parle : « Vous avez les outils à présent pour décider vite, et faire ce qu’il y a à faire. Le gouvernement a été assez clair ; et il ne faut pas attendre de lui qu’il prenne qui que ce soit par la main. A situation inédite, réaction inédite : les RH doivent prendre des risques calculés, car on n’a plus rien à perdre de toutes façons. Ils doivent être créatifs. Je ne doute pas que certains se révéleront à eux-mêmes ! »

Elle constate qu’un des enjeux de cette situation est de faire comprendre aux responsables comment le concept de Business Continuity Plan vise à protéger et maintenir le maximum des ressources de l’entreprise pour après la crise, et imaginer dès maintenant le rebond. Les gens ne parviennent pas encore à se saisir de la situation pour changer la manière de travailler. Si les clients pausent, poursuit-elle, ce n’est pas le moment de pauser pour les entreprises, mais c’est le moment de commencer à créer de nouveaux process pour demain.

Le côté opérationnel du Business Continuity Plan a été inventé au pied du mur pour beaucoup de DRH, y compris parfois dans les grands groupes et organisations. Ils continuent au jour le jour à améliorer le système en temps réel.

Mais tout n’est pas rose, modère Rokhaya Ndiaye. Il lui est reporté de plus en plus de cas de salariés abusés. Les chefs d’entreprise mus par la peur du gouffre devant eux, paniquent, menacent et obligent employés à venir sur le lieu de travail, alors qu’ils n’ont pas pris de mesures pour les protéger.
De même, les PME sont encouragées au télétravail. La réalité c’est que, hors des grandes entreprises (et encore !) c’est quelque chose de parfaitement conceptuel ! poursuit-elle.

Covid-19, révélateur de talents et d’opportunités

En photographie, le révélateur est un produit chimique qui multiplie le nombre d’atomes d’argent Ag par dix mille pour faire apparaître l’image. En d’autres mots, il rend visible l’image photographique latente.
Près d’un tiers des personnes interviewées m’ont confié avoir eu d’agréables surprises au sein de leurs équipes : des chefs d’équipe et des managers de 2e niveaux, habituellement discrets voire effacés, semblent avoir mué à l’occasion de cette crise, prenant les devants pour protéger leurs équipes, prendre des nouvelles à l’occasion de véritables « arbres à palabres en ligne » qui ont fait énormément de bien au moral des équipes, sensibiliser plus largement leurs collègues bien au-delà de leurs équipes ; s’impliquant dans les comités de crise Adhoc internes, etc. Et les gens les suivaient. A la grande surprise de leurs hiérarchiques parfois. Tout se passe comme si la place s’était dégagée pour que leur leadership se révèle. « Il est évident qu’au sortir de la crise, les carrières de ces talents vont prendre une nouvelle direction » confie cet autre DRH. 

En matière organisationnelle, sur les façons de travailler, si peu des personnes interrogées se risquent à tirer des enseignements de la situation, parce qu’ils sont encore dans l’urgence et beaucoup sont conscients que la crise qui n’a même pas atteint son paroxysme, 11/12 se disent certains que la crise va impacter en profondeur la façon de travailler. Ne serait-ce que parce que contraint de faire autrement, la démonstration a été faite que ça fonctionnait. 

Exit par exemple les voyages en avion à l’autre bout du continent pour 1 jour de réunion.
Le télétravail qui peinait à être mis en place en Afrique va mettre le pied dans la porte.
Certains dossiers spécifiques de digitalisation trainaient aussi depuis des mois. Le changement d’outils et de modalité de travail ne semblait ne pouvoir se faire qu’au forceps.  

« Tout d’un coup, pouf, la digitalisation de la fonction RH que je pilotais sur mon cluster (performance, salaire et paie, plan de développement de l’année, formation en ligne…) a connu une accélération incroyable », confie cette DRH régionale au sein d’un groupe pharmaceutique.

Image circulant actuellement sur les réseaux sociaux traduisant assez bien ce qui est en jeu.

Même les autorités et administrations nationales, très friandes de tampons et de signatures, semblent avoir bougé, de force. La situation éclaire enfin l’inconguité de certaines pratiques locales.
Mais le vrai challenge sera d’installer durablement ces changements bien après la crise.

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Un tiers des personnes que j’ai interrogées m’ont dit, à titre personnel, être convaincues que le confinement n’est pas la plus efficace des modalités de lutte dans nos contextes africains. Mais nous concernant, en Afrique, poursuivaient-ils, invariablement, les autres stratégies et modalités dont on sait qu’elles sont plus efficaces (généralisation du dépistage à tout le territoire ; isolement pour traitement des plus atteints dans ces centres lourdement équipés pour traiter les insuffisances respiratoires des patients gravement atteints pendant au moins 14 jours), nous n’en avons pas les moyens.
« Alors, il faut arrêter de tergiverser et agir avec ce qu’on a et essayer d’anticiper. Point barre !  ET ce qu’on a c’est la prévention et les degrés de distanciations sociales ».
Le Pr Denis Mukwenge, prix Nobel de la Paix ne dit pas autre chose dans son interview dans Le Monde d’hier : « Pour éviter l’hécatombe en Afrique, il faut agir au plus vite. Nous n’avons qu’une option : prévention, prévention, prévention !» 

D’autant que ceux qui paieront le plus lourd tribut à ce maudit Covid-19, ce ne sont pas les populations aisées urbaines, mondialisées, ni les grands groupes. Ce sont les pauvres et le PME/TPME qui constituent l’essentiel du tissu économique africain. Et si tout ce monde descendait dans les rues…Il est dailleurs très intéressant de constater comme, en Asie du Sud-Est, aux Philippines notamment, et plus récemment en Afrique, on assiste à une distribution de vivres à grande échelle organisés par des familles riches et grosses fortunes, et comment les membres de plusieurs gouvernements mettent « généreusement » à contribution de fonds de solidarité tout ou partie de leur émoluments mensuels.
Si vous n’y voyez pas le signe que ça chauffe fort, alors, je ne peux plus rien pour vous !

Des DRH me disaient percevoir aussi que cette situation sonnait comme une heure de vérité « le moment ou jamais de manifester leur culture d’entreprise et la réalité des valeurs/du type de Leadership prôné en interne » ; d’autre ont poussé, dans le même ordre d’idée, afin que leurs sociétés fassent plus que ce qui était attendu, en entreprise citoyenne qu’elles souhaitent être.
La crise du Covid-19, à plus d’un égard, permettra de « dire qui-est-qui » ; et beaucoup de masque risquent de tomber.

Mes remerciements amicaux à Eric Tagnon, qui m’a apporté beaucoup d’éléments de contexte général que lui donnent sa perspective de DRH de Cluster au sein de l’OMS dans une région émergente. Il me disait, en fin d’interview, que s’il avait un témoignage à partager avec ses collègues RH, ce serait l’expérience qu’il fait, lui-même, durant cette crise, de l’importance primordiale de penser au gens et de le leur montrer : « Initier une courte réunion où on ne parle pas travail mais où on prend des nouvelles et où on en échange, ça fait toute la différence. Sinon, on perd ses équipes ! C’est le moment de se rappeler le sens du « H » dans « RH », pour ceux qui l’avaient oublié. »

Merci à tous encore. C’est grâce à tous les DRH et SG interviewés et grâce aux ressources auxquelles ils m’ont donné accès que j’ai produit cette synthèse de bonnes pratiques Covid-19 en entreprise (2). Vous pourrez télécharger le document via ce formulaire.


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(1) J’ai rédigé cet article grâce aux entretiens et questionnaires auxquels 11 DRH et 1 Directeur Juridique et Secrétaire Général de groupes régionaux et filiales de multinationales en Afrique subsahariennes ont spontanément accepté de participer. Ils sont issus des secteurs suivants : télécommunication, pharmaceutique, énergie, fintech, agroalimentaire ; dans des fonctions régionales et basés au Sénégal, Bénin, Togo Côte d’Ivoire, Kenya, Ghana. 
Je les remercie vivement encore pour leur disponibilité en ces moments difficiles, animés qu’ils étaient de la volonté de partager.
Cet article n’a donc pas la prétention d’être une étude, et n’est sans doute pas représentative de toute la réalité du continent africain! A l’occasion de ma collecte d’information partielle, j’ai simplement eu le privilège de pouvoir prendre le pouls d’une situation, cliché partiel, que j’ai souhaité pouvoir restituer afin que cela serve. 

(2) « Entré-couché » : Type de logement similaire à un petit studio, en plein pieds, en Afrique de l’ouest, Bénin et Togo particulièrement, et où peut loger une famille entière.

(3) Ce guide s’appuie essentiellement sur plusieurs documents dont un bon document produit par le gouvernement sénégalais (Milieu de travail et COVID-19), que nous avons repris et complété avec des retours d’expérience communiqués par 11 DRH et 1 Directeur Juridique et Secrétaire de groupes régionaux et filiales de multinationales en Afrique subsaharienne. C’est une excellente référence pour les employeurs comme pour les employés. J’espère que ces contributions aideront un plus grand nombre de responsables RH, en Afrique, à faire face à cette pandémie et à protéger au mieux les employés de leurs entreprises et leurs proches.

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