Vous êtes nombreux, candidats à l’international mais aussi quelques PME européennes lançant leurs activités en Afrique, à me questionner régulièrement sur les niveaux de rémunération en Afrique, en général (très vaste sujet !) ; et plus spécifiquement sur le « statut expatrié » et la structuration de rémunération qui va avec ce statut. C’est pour éclairer un peu ce second point que j’écris ce post…
La 1ère chose à mentionner : beaucoup de personnes, dans leur approche de la question, confondent de fait expatriation et détachement. Or ce sont 2 statuts différents. Différents, surtout n’ayant pas les mêmes incidences fiscales pour l’employeur qui y a recours ; ni les mêmes incidences en matière de protection sociale pour l’employé…
Supposons donc qu’une entreprise française (nommons-la « Euromedicali ») lance, dans un pays Africain (considérons le Nigéria, pour exemple), une activité de production de médicaments génériques.
Supposons aussi que cette activité nécessite d’envoyer sur place une ressources technique pointue, et qu’un de ses directeurs de production (appelons-le monsieur Leroux), connaissant parfaitement les process maison, ait été identifié pour aller de lancer l’opération au Nigéria.
Deux choix de statuts (et donc de modèles de rémunération) s’offrent alors à Euromedicali, pour son employé, monsieur Leroux, qu’elle enverra au Nigeria.
1) Choix N°1 : Statut expatrié, sous contrat local
Dans ce schéma, le contrat de travail est immatriculé localement (par la filiale d’Euromedicali, ou la joint-venture qu’elle pourrait avoir été emmenée à préférer pour investir un marché complexe en partageant les risques) et dépendrait donc de la législation du travail nigériane. Monsieur Leroux bénéficierait donc d’un salaire de base, sa source de revenu principale.
Exit donc, ici, les compléments de salaire, les primes et la prise en charge des charges sociales françaises pour Euromedicali. Sans être sorti majeur Math Sup’, on comprend aisément qu’Euromedicali pourrait économiquement préférer employer ce cadre sous ce 1er statut. Mais dans ce type de situation les seules considérations économiques sont insuffisantes pour engager cette décision.
Cela n’empêcherait toutefois pas monsieur Leroux de négocier, dans ce schéma, un niveau de salaire plus élevé pour compenser ses « frais d’expatriation » : par exemple, la prise en charge partielle ou totale de ses cotisations au régime de français d’assurance sociale des expatriés, une mutuelle de santé, etc. Et il serait bien avisé de le faire…
2) Choix N°2 : Statut de détaché
Dans ce schéma, le contrat de travail est de droit français. C’est là toute la différence ! Monsieur Leroux est donc en réalité comme détaché par Euromedicali France pour une mission (plus ou moins longue) au Nigéria. Il toucherait un salaire de référence « pays d’origine », ou bien « international » (si des standards groupe existent).
Dans les faits ce salaire correspondrait au montant que monsieur Leroux aurait perçu s’il était resté en France, ou dans le groupe (disons ailleurs en Europe).
L’avantage est évident pour monsieur Leroux : il ne sera pas déconnecté du marché du travail français en revenant de son séjour professionnel. Il augmentera aussi très sensiblement son niveau de vie par une rémunération plus élevée. Une partie de cette rémunération est souvent payée en monnaie locale (ici, sur place au Nigéria) et l’autre en Euros (en France).
Cette augmentation sensible de rémunération vient du fait que s’ajoute au salaire de référence, pour ce statut, nombre d’indemnités et primes d’expatriation.
Que peuvent couvrir, en général, ces indemnités et primes d’expatriation ?
- Un risque pays (qu’il se concrétise ou non)
- Un éventuel delta de coût de vie
- Le déménagement, le relogement et les commodités sur place (loyer, électricité, eau, …- (on considère que ce sont, en effet, des frais que le cadre d’Euromédicali n’aurait pas eu à supporter s’il était resté en France)
- Un véhicule, le carburant et souvent un chauffeur
- Un « support » à la situation familiale : il s’agit de compenser une perte de salaire potentielle ou réelle du conjoint qui accompagnerait le collaborateur au Nigéria par exemple ; de la scolarisation des enfants, souvent en école internationale, etc.
- Une indemnité ou la prise en charge totale de frais de déménagement
- Les voyages A/R plusieurs fois dans l’année, vers la France pour toute la famille.
En moyenne, on estime que les statuts et contrats du 1er type peuvent couter de 2 à 4 fois moins cher pour une entreprise comme Euromedicali, qu’un statut du second type ! Là aussi le calcul est vite fait…
Il est d’autant plus vite fait qu’avec la plus grande disponibilité, aujourd’hui, de talents et compétences français d’origine africaine, nourrissant des projets de retour ou d’installation de long terme ou définitif sur le continent africain, ou dans leurs pays d’origine, les entreprises comme Euromedicali limitent désormais le recours au statut de détaché ou ses variantes, quand elles le peuvent.
C’est une réalité que j’ai vu évoluer très sensiblement depuis une vingtaine d’années, et dont je parlais dans un de mes récents papiers sur mon blog, intitulé « Les 3 éléments essentiels d’une stratégie de talent-acquisition réussie en Afrique ». En effet, dans les filiales des multinationales en Afrique, on est passé de comités de direction et d’équipes de managers techniques constitués d’expatriés à 40% voire 50% en moyenne, il y a seulement une vingtaine d’année, à moins de 15% aujourd’hui !
Toutefois, les entreprises doivent, en contrepartie, faire preuve de beaucoup de créativité et construire de nouveaux statuts et modèles de rémunération, intermédiaires entre le contrat local et le contrat détaché. Le challenge de ces nouveaux modèles ? Rester motivants et attractifs afin de s’attacher la fidélité de ces employés, qu’on appelle désormais les « repats ». Car les sociétés, multinationales, particulièrement, se les arrachent sur et pour le continent africain.
Ces nouveaux modèles, originaux, seront l’objet d’une suite de cet article, dans un prochain post. Je vous présenterai 1 ou 2 innovations qu’il m’a été donné d’analyser et focuserai sur quelques aspects très intéressants qui permettent aux employeurs de répondre à cette nouvelle donne ; je vous parlerais aussi de quelques-uns des écueils fréquemment rencontrés.
J’espère que vous aurez apprécié cette article et qu’il répond aux questions que vous me posez souvent.
A très bientôt !