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3 choses à savoir sur le boom des centrales Hybrides en Afrique : interview de LucTanoh

Des centrales hybrides en Afrique 

Tandis que d’ici 2030 la demande en électricité est amenée à tripler sur le continent africain selon l’Agence Internationale de l’Energie Renouvelable, il est intéressant d’interroger certaines solutions “renouvelables”, et les centrales hybrides particulièrement, qui se multiplient en Afrique, en réponse à ce déficit d’énergie.

Le Burkina Faso a marqué un grand coup en inaugurant en mars 2018 la plus grande centrale hybride-fioul (énergies thermique et solaire) au monde (rien que cela !), d’une capacité de 15 MW.

Mais cette installation illustre également la variété des questions que pose la mise en oeuvre de ce type de solutions “renouvelables” sur le continent africain par rapport aux centrales Hybrides en Afrique.

Pour rappel, cette centrale a pour but d’alimenter la mine d’Essakane, site d’extraction d’or appartenant à un groupe minier International.

L’entreprise Eren RE, à l’origine de l’installation des panneaux photovoltaïques, a été annoncée comme propriétaire de la centrale en partenariat avec African Energy Management Platform. A souligner que le projet n’aurait pas vu le jour sans l’investissement financier de la BICICI, filliale burkinabé de la BNP Paribas.

Mais quel est l’intérêt de cette centrale qui mêle panneaux photovoltaïques et fioul, pour laquelle il aura fallu débourser plus de 20 millions de dollars? Quelles en sont limites? Comment s’opèrent ce type de montage?

Les centrales Hybrides en Afrique…

Autant de questions auxquelles répond Luc Tanoh dans cette interview que j’ai réalisée. Elle approfondit la réflexion sur la structuration de tels projets en Afrique et les enjeux qui y sont liés.

Luc Tanoh est un spécialiste reconnu de ces sujets. Il dirige les activités sur le périmètre Afrique de l’Ouest de la société CRONIMET Mining Power Solutions.

 

© Luc Tanoh

Interview de Luc TANOH

Quel est l’intérêt des centrales hybrides en comparaison aux autres types de centrales ?

Luc Tanoh (LT) : Une Centrale Hybride Solaire Photovoltaïque/Diesel permet une exploitation 24/24. Et donc même la nuit. Tandis qu’une centrale solaire qui, fonctionne évidemment grâce au soleil, ne pourra fonctionner que le jour.

Le Diesel peut palier à une demande en énergie plus forte en cas de besoin. Mais on peut le faire aussi avec des batteries qui stockeraient l’énergie solaire accumulée dans la journée.

De façon plus générale le réseau électrique doit être composé sur un mix énergétique afin de couvrir une forte demande en énergie.

Si ça n’est pas le cas, l’installation hybride ne produit pas plus d’avantages économiques que si la structuration comportait deux projets (un solaire et une thermique) indépendants.

Pourtant, concernant les centrales hybrides thermiques avec le solaire, un problème majeur est que l’énergie solaire est trop intermittente pour les réseaux électriques Africains, en leurs états de actuels…

Exact. Peu de réseaux de pays africains, par exemple, sont en mesure d’absorber l’électricité d’une énorme centrale solaire; alors que l’énergie issue de centrales thermique est plus stable et absorbable par nos réseaux. D’où les montages hybrides.

Dans les faits, il faut considérer la partie fioul d’une centrale hybride comme étant une petite centrale thermique.

 

Pour quelle raison, selon vous, ce type de centrales seraient-elles construites sur ce modèle potentiellement peu rationnel économiquement ?

LT : C’est un modèle tout à fait rationnel si la mine à laquelle ce type de centrale est liée fonctionne en 3 fois 8h; et ce doit être le cas pour la centrale d’Essakane j’imagine.

En revanche ça n’est plus pertinent s’il y avait déjà des groupes électrogènes installés avant la création de cette centrale hybride.

Si contractuellement la responsabilité du producteur d’énergie est engagée 24h/24 pour la production d’énergie, il est fort possible qu’il ait installé ses propres équipements neufs.

Des équipements qu’il maitrise, plutôt que d’avoir à travailler avec de vieilles machines tournantes obsolètes et mal entretenues pour les centrales Hybrides en Afrique.

Cette centrale d’Essakane, est-ce un projet visant simplement, pour l’entreprise minière, à faire « bonne (verte) figure » ? 

LT : Pas nécessairement. L’entreprise minière économise de l’énergie pendant la journée (en utilisant le solaire). Et nous pouvons supposer que les nouveaux groupes électrogènes ont un meilleur rendement que de vieilles machines tournantes.

 

Avant la récente inauguration, en mars 2018, de la plus grande centrale hybride-fioul (énergies thermique et solaire) au monde, la plus grande ferme solaire d’Afrique de l’ouest voyait le jour en Novembre 2017 à Zagtouli, toujours au Burkina Faso.

Financée par l’Union Européenne et l’Agence Française de Développement. Pourquoi, comme pour la centrale d’Essakane, le financement est-il extérieur ?

LT : Dans le cas d’un Contrat d’Achat d’Electricité, la réalité est qu’il est impossible aux banques locales d’offrir le même niveau de garantie et de conditions financières que les intervenants extérieurs.

La meilleure illustration sont les projets financés par la Banque Mondiale Scaling-Solar au Sénégal avec un tarif du Contrat d’Achat d’Electricitéde 3,8 centimes d’€ pour le KWh (25 CFA / KWh) contre 10 centimes d’€ (65 CFA / KWh) sur les projets précédents !

Le prix du Contrat d’Achat d’Electricité est effet fixé à 98% en fonction des conditions financières et des garanties du client pour les centrales Hybrides en Afrique.

Pour faire simple, souvent les Producteurs Indépendants d’Electricité sont le partenaire privé des Etats et signent avec les entreprises nationales de distribution d’électricité des contrats de fourniture. Ensuite l’entreprise distribue via son réseau pour les centrales Hybrides en Afrique.

C’est souvent ce producteur indépendant qui va aller rechercher les financements parlant des centrales Hybrides en Afrique. Dans les schémas classiques, ces producteurs financent les projets à hauteur de 75% de dette et 25% de fonds propres.

En novembre 2017, dans un entretien avec Jeune Afrique, Christophe Fleurence, Vice-Président d’Eren soulignait que le projet de l acentrale d’Essakane s’était mis en place « sans aucune subvention publique […] sans garantie apportée par l’Etat Burkinabé ».

On a pourtant vu par la suite le président burkinabé inaugurer et féliciter le projet. Comment analyser cette attitude jugée par Eren RE comme un manque de confiance en un projet jugé « trop innovant » ?

LT : That is a good question.

Nos états ne sont pas toujours en mesure de fournir des garanties souveraines parlant de centrales Hybrides en Afrique. Pour les centrales Hybrides en Afrique, il faut mettre en place des garanties par l’intermédiaire d’organismes financiers spécialisés comme Guarantco, ATI (African Trade Insurance), OPIC, MIGA…

 

Comment les Etats (africains) doivent-ils procéder pour ne pas être les grands perdants des tels deals et montages ?

LT : Notez que vous posez la question a quelqu’un qui est dans l’autre camp, celui des Producteurs Indépendants d’Energie (sourire)…

En matière de centrales Hybrides en Afrique, il faut faire comme en Europe, ou comme dans le programme Scaling-Solar de la Banque Mondiale ou en Afrique du Sud:

  1. contrôler les coûts dépensés en concepts d’énergie propre,
  2. offrir des garanties contre les défauts de paiement des sociétés nationales d’électricité (la majorité a des finances à assainir), afin de faire baisser les coûts de la dette,
  3. créer un environnement sain avec un régulateur compétent et indépendant,
  4. faire des appels d’offres.

 

Mais il existe des montages de centrales Hybrides en Afrique par lesquels les Etats peuvent aussi disposer d’options pour investir et détenir des parts dans tde tels projets, non?

Ce n’est pas ainsi que je conçois le rôle des Etats dans ces types de projets de centrales Hybrides en Afrique.

Mais, oui, il en existe…

C’est ce qu’on appelle les « Sweet Equity », où, contre facilitation par l’Etat des procédures administratives, l’obtention du site de production, etc., l’Etat se voit octroyer un pourcentage (5 à 10% en général) au terme du projet.

Ensuite, il y a des véhicules d’investissement propres. A l’image de ceux de la VRA (Volta River Authaurity), de la KENGEN (Kenya Electricity Generating Company), ou du FONSIS (Fonds Souverain d’Investissement Stratégique du Sénégal), les Etats investissent directement en cash dans les projets.

Le cas du Sénégal est, de ce point de vue, intéressant avec 2 types de comportements de l’Etat investisseur. Ou bien, comme pour la centrale SENERGY (avec l’opérateur Meridiam), l’Etat est développeur, allant lui-même chercher les opérateurs, etc.; ou bien il est simple investisseur comme dans le cas de la centrale TEN MERINA, où il a simplement racheté 10% des parts.

De ce point de vue, pour les Etats africains, forcer l’entrée dans le capital ne permet -il pas aussi simplement d’acquérir une expérience ?

LT : A nouveau, je pense que ce n’est pas le rôle des Etats. Qu’Ils construisent des routes, des universités, des écoles et des hôpitaux…

Ce qu’ils peuvent faire, en revanche, c’est d’assainir le secteur de centrales Hybrides en Afrique et permettre des IPP en garantissant et en payant les Contrats d’Achat d’Electricité.

Les états doivent encadrer et réguler les projets de centrales Hybrides en Afrique, ils peuvent prendre des parts minoritaires dans les IPP mais pas devenir des acteurs. Les états doivent jouer le rôle de catalyseurs pour les centrales Hybrides en Afrique.

Cela a très bien marché avec la téléphonie cellulaire, il faut faire pareil avec les IPP. On se rappelle tous des prix pratiqués par les sociétés nationales (PTT) à l’époque et du manque d’infrastructures.

 

Merci Luc Tanoh…

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