Non, je ne parle pas de ces chiffres et statistiques, mille fois entendus (et que j’ai moi-même mille fois répétés !), comme le montant annuel des fonds transférés par les diasporas africaines s’élevant à près de 70 milliards de dollars annuellement ; plus que le montant que l’Aide Publique au Développement ou celui des Investissements Directs Étrangers en Afrique.
Je ne parle pas non plus de la valeur, en centaines de milliards de dollars, des richesses de son sous-sol dont l’exploitation, à date, n’aura pas été très heureuse pour le continent…
Tendez l’oreille, regardez, lisez et vous saurez de quoi je parle : forums des diasporas africaines à tire-larigot, multiplication à Washington, Paris, Londres des salons de recrutements dédiés aux cadres africains de la diaspora ; diaspora par-ci, diaspora-par-là ; déclaration d’intention avec, 2019 déclarée officiellement « année de la diaspora » par le président ghanéen Nana Akufo-Addo; intégration effective des talents et expertises de la diasporas dans certains plans de développement pluriannuels ambitieux et visionnaires de plusieurs États africains …
Cet or-là, il n’est ni noir, ni jaune, ni même vert. Il est gris ! Comme « matière grise » !
Cet « or gris », dans l’économie du savoir dans laquelle nous sommes, est une richesse inestimable.
De mon poste d’observation de recruteur, où depuis plus 15 ans, je rencontre et voit évoluer le nombre et la qualité des talents africains de la diaspora en quête de ponts avec le continent, je ne doutais pas que ce boom finirait par s’annoncer. Car cet or gris, l’Afrique commence seulement l’exploiter
Les entreprises, comme souvent, sont en première ligne et ont flairé le filon depuis longtemps ; mais elles ne sont plus seules « sur le créneau ». Les états s’y mettent aussi, avec un certain bonheur. Idem pour les institutions régionales.
Jugez-en : l’Union Africaine a officiellement reconnu sa diaspora comme 6e région du continent, dans ses statuts, en juillet 2018. Ladite région a été dotée d’institutions avec à sa tête un 1er ministre.
Pourquoi maintenant ?
On est bien sûr au niveau du symbole avec cette diaspora 6e région de l’Afrique ». Mais quel symbole, après des décennies de relations ambigües voire de défiance du continent vis-à-vis de sa diaspora !
Il faut dire que pendant longtemps, les environnements nationaux restés repliés sur eux-mêmes à cause, notamment, de dictatures rances, étaient hostiles à la diversité, au regard critique et aux remises en cause que cette diaspora était susceptible d’introduire.
On peut faire l’hypothèse que si un mouvement massif de la diaspora et son implication dans le développement du continent (au-delà de l’envoi de ressources financières) commence à prendre forme, c’est qu’il y a eu un changement. C’est ce que je pense…
En cause, pêle-mêle :
- Une croissance du PIB de l’Afrique intercontinental soutenue et globalement maintenu à une moyenne de plus de 4 % depuis près de 15 ans, avec des pôles régionaux de robustesse. Liés à cela, la croissance des investissements directs étrangers attirés par des taux de retours sur investissement de très loin les plus élevés au monde ;
- Pour plusieurs de ces pays/pôles régionaux, la croissance n’est pas tirée par l’exploitation des ressources naturelles, mais par le développement de chaines de valeurs locales voire régionales, ce qui laisse supposer une évolution plus pérenne ;
- Une amélioration de la gouvernance en général : depuis la baisse du nombre des conflits armés, l’accroissement du nombre de processus électoraux démocratique, à l’amélioration institutionnelle du cadre des affaires;
- Les compétences africaines qui ont manqué sur le continent dans les décennies suivant les indépendances sont plus disponibles aujourd’hui; sur place mais aussi au sein de la diaspora. Cette diaspora amorce le « brain gain » de l’Afrique depuis le début des années 2000 ; et contrebalance la fuite des cerveaux massive des années 70 et 80.
Dans une suite à venir de ce papier, j’aborderai quelques beaux projets africains passés et à venir, exploitant son or gris…