Pour revenir sur ce post de début septembre où je m’interrogeais, sur l’origine du nom Headhunters que Herbie Hanckok avait donné à son groupe…
Avant la création de ce groupe, le musicien sort donc de 4 années de traversée desert, où l’avaient menée une période d’expérimentation musicale audacieuse et avant-gardiste, comme peu de musiciens en connaissent. Mais ses créations demeurent souvent inaccessibles au grand public. D’autant qu’elles interviennent à une époque où l’artiste est à un carrefour spirituel et identitaire (renouant avec ses racines africaines notamment).
Il faut pourtant remplir la marmite à nouveau, et vite !
Mais que faire des fruits de cette période de gestation? Comment renouer avec le succès commercial sans renoncer à l’innovation et l’avant-gardisme qui sont sa marque de fabrique ? Comment remettre l’énergie du groove qu’il aime tant au centre de sa creation ?
Ce qu’il décide de faire et comment il le fait est une leçon de management.
- Il sent le marché (public) revenir au groove, et anticipe le potentiel d’un dosage intelligent de cette musique électronique balbutiante.
- Il remercie toute son équipe (sauf un de ces anciens musiciens), et en reconstitue une nouvelle avec de jeunes talents qu’il va dégoter, et qui lui semblent capables de coller à la nouvelle empreinte qu’il veut donner à sa musique, en intégrant le meilleur de ses quatre précédentes années d’expérimentation:
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- a) introduction d’effets synthétiques d’instrument ethniques,
- b) nouveaux timbres apportés par les synthétiseurs,
- c) place laissée à l’intuition pure.
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Le résultat de ce réajustement est imparable : 1 album exceptionnel de fraicheur, devenu mythique, et qui atteint des niveaux de vente jamais égalés pour un album de jazz. Il influencera durablement le jazz, mais aussi la funk, la soul et le hip-hop des décennies qui suivront.
#Vision #marché #intuition #innovation #management !
Quand au nom « Headhunters », rien à voir donc avec le recrutement.
Il aurait été inspiré par Miles Davis à Herbie Hancock, à l’époque où ce dernier était son pianiste.
1948. Miles Davis se produit au “Three Deuces” dans le groupe de Charlie Parker. Il saisit une réflexion du comique Milton Berle à sa tablée, quand quelqu’un lui a demande ce qu’il pense de la formation qui se produit et de sa musique. Berle aurait répondu narquois : “voilà bien un groupe de chasseurs de têtes !”. Autrement dit de sauvages. Remarque raciste supposée faire référence aux origines negro africaines des musiciens. Cette remarque avait particulièrement choqué Miles Davis, qui y répondit…près de 25 ans plus tard. Il voyage alors en 1ère classe sur le même vol que ledit Milton Berle. Miles Davis se présente à Berle, lui rappelle les mots qu’il avait prononcés ce soir-là, et lui assène : « Je n’aime pas du tout le nom que vous nous aviez donné ce soir-là, Milton. Et personne dans l’orchestre n’a aimé ! »
Puis, il répond à Berle, qui se décomposait en excuses, « Oui, je le sais vous l’êtes, désolé, à présent et maintenant que je vous l’ai dit. Vous ne l’étiez pas à l’époque !». Et il tourne les talons pour rejoindre sa place.
Du Miles Davis tout craché!