J’ai eu le plaisir de participer avec quelques autres panélistes, à une conférence organisée par l’innovant MBA ESG Intelligence Economique et Marchés Africains conçu et monté par Guy Gweth, par ailleurs Président du Centre Africain de Veille Economique (CAVIE).
C’est un de ses propos, il y a quelques années, qui m’avait emmené à m’intéresser à son travail : « L’intelligence économique est l’un des rares terrains où les étrangers ne peuvent pas aider l’Afrique à se défendre. »
Sous-entendu : repliez-vous les manches les amis, et au boulot !
Nombreuses questions abordées donc à l’occasion de cette conférence : de l’analyse de ce qui semble avoir fondamentalement changé sur les marchés africains au cours des 15 dernières années, aux discussions sur les segments sous tension en matière de pénurie de ressources humaines en passant par les compétences clés pour accompagner l’émergence africaine.
Mais c’est sur cette question de l’ « émergence » en lien avec les compétences et les talents africains, que je voudrais partager quelques informations, utiles et dérangeantes, sur lesquelles j’étais tombé en préparant ma participation à ce panel…
1. D’abord sur ce concept d’« émergence » qu’on utilise à toutes les sauces…africaines.
L’émergence serait un processus de transformation économique soutenu qui se traduit par des performances au plan social et humain, et qui prend place dans un contexte institutionnel et politique stable, susceptible d’en assurer la soutenabilité.
Cet ensemble de mutations socio-économiques profondes, lorsqu’elles sont à l’œuvre, se manifestent par :
- une urbanisation rapide qui bouleverse les modes de vie ;
- la formation d’un marché de la consommation et son corollaire, une classe moyenne qui fait son apparition et se développe ;
- des perspectives de croissance des économies prometteuses et pérennes avec notamment des taux de croissance frisant les 2 chiffres et une attractivité des investissements privés ;
- l’accès d’une part importante de la population aux technologies de l’information.
Il existe un index de l’émergence africaine (1), qui établit une classification des pays africains en les classifiant d’ « émergents », de « seuil », ou « autre ». Selon cet index, il n’y aurait que 11 pays émergents sur 54…en comptant large.
J’en conclus donc qu’on utilise un peu abusivement le terme « émergence » au sujet de l’Afrique. Sans compter que le continent est le lieu d’une grande variété de réalités.
Des mutations sans précédents sont effectivement en cours, mais elles demeurent fragiles et sans doute l’Afrique est-elle majoritairement plutôt au « seuil » de cette émergence.
2. Sur la gestion des talents en Afrique par l’Afrique, pour accompagner une véritable émergence.
Il existe un indice mondial de la compétitivité des talents (2). Les études liées à la constitution de cet indice montrent que la gestion des talents demeure le talon d’Achille des pays du continent africain.
Quelques 21 pays africains figurent dans ce classement qui mesure la capacité d’un total de 119 pays à ATTIRER, DEVELOPPER et RETENIR les talents. Mais un seul apparait dans le top 50: l’Île Maurice, classé à la 46è place. Les 2/3 des pays du continent recensés arrivent en queue de classement (entre la 91è et la 119è place), dont le Maroc qui occupe la 98è place.
Afrique très riche donc en nombre d’âmes et en ressources humaines, et médiocre en management de ses talents. Ajoutez-y la pénurie des talents, problématique mondiale, qui s’est déportée sur le continent, et voilà le décor de l’« émergence africaine » planté !
Développer les talents pour accompagner la transformation rapide du continent est un défi majeur. On est encore loin du compte…
- (1) GIERSA : Groupe Interuniversitaire de Recherche sur les Société Africaines et Pôle de Recherche sur L’Afrique et le monde Emergent (Université de Montréal)
http://www.prame.umontreal.ca/Index%20_emergence_Afrique_2017_Gazibo_Mbabia.pdf
- (2) Indice GTCI, établi annuellement par l’INSEAD (Institut Européen d’Administration des Affaires)
